Jean-Marc ROBIN

Auteur (romans, récits, théâtre et essais)

Mémoire de garçon. Entretien avec Jean-Marc ROBIN

Publié par Jean-Marc ROBIN sur 11 Janvier 2025, 16:31pm

Catégories : #roman

Mémoire de garçon. Entretien avec Jean-Marc ROBIN

Jean-Marc Robin revient sur Mémoire de garçon, un récit à la croisée de l'intime et du social, où il raconte son parcours et les limites invisibles qui brident les ambitions. 

Dans Mémoire de garçon, vous racontez votre parcours d’enfant d’ouvriers. Pourquoi ce besoin de revenir sur vos origines ?

Jean-Marc Robin : Il y a un moment dans la vie, j'approche de la soixantaine, où l’on ressent le besoin de se retourner, de comprendre d’où l’on vient. J’ai grandi dans un environnement où l’École républicaine était perçue comme une promesse : celle d’une vie meilleure. Écrire Mémoire de garçon, c’était revisiter cette période, les années 1970-1980, mais aussi rendre hommage à ceux qui ont façonné mon parcours : mes parents, mes professeurs, mes camarades. C’est aussi une tentative de comprendre les mécanismes sociaux qui déterminent les trajectoires, souvent malgré nous.

Vous abordez beaucoup la question de l’ascension sociale et des limites imposées par les origines. Pensez-vous que l’École a failli à sa mission ?

L’École a été un espace d’émancipation pour moi, c’est indéniable. Elle m’a permis d’aller au-delà de ce qui semblait possible pour un fils d’ouvrier. Mais elle reste marquée par des inégalités profondes. Dans Mémoire de garçon, je parle de ce fameux "mur de l’argent" : ce moment où mes ambitions butaient sur des limites économiques, mais aussi culturelles. Ces barrières, invisibles pour certains, sont des réalités brutales pour d’autres.

Votre récit mélange souvenirs personnels et analyse sociologique. Pourquoi ce choix ?

C’est un choix naturel pour moi, car je ne peux pas dissocier l’individu du collectif. Mon histoire personnelle n’a de sens que parce qu’elle s’inscrit dans une époque, un milieu, une classe sociale. Évidemment, j’ai été influencé par Annie Ernaux ou Pierre Bourdieu, qui ont montré combien les récits de vie peuvent révéler des mécanismes sociaux plus larges. L’écriture de Mémoire de garçon est à la fois un exercice de mémoire et une tentative de comprendre les forces qui m’ont façonné.

Mémoire de garçon est un clin d’œil assumé à Annie Ernaux... 

Annie Ernaux a cette capacité à rendre l’intime universel, à montrer comment nos vies individuelles sont traversées par des forces sociales et politiques. C’est quelque chose que j’essaie de faire, à ma manière, modestement. J’ai une approche plus narrative, parfois presque documentaire. Parce que j’ai une formation de sociologue, mon écriture tiraillée entre mon désir de raconter et celui d’expliquer.

Avec Mémoire de fille Annie Ernaux revient sur un passé douloureux, sur son histoire personnelle en tant que femme. J’ai le même projet, raconter la trajectoire d’un garçon, offrir une plongée dans son intimité personnelle et familial. Mais, Mémoire de garçon, c’est aussi l’histoire d’un apprentissage, celui de la formation d'une conscience politique dans le contexte des années 70-80. J’ai voulu rendre hommage à « ces années » et écrire le portrait de personnes, en chair et en os, qui m’ont, d’une certaine façon, fabriquer. Les trajectoires individuelles sont façonnées par l’histoire, avec un grand H et par des rencontres, personne ne grandit seul !

L’écriture, pour moi, c’est un moyen de réfléchir à ce qui nous lie et à ce qui nous sépare, de comprendre nos contradictions et nos dilemmes. Avec Mémoire de garçon, j’espère que les lecteurs trouveront des échos à leur propre expérience, mais aussi des clés pour comprendre notre société, et son passé, pas si lointain

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